samedi 2 novembre 2013

Camus contre Sartre

Ci-dessous, la dernière page du quatrième chapitre du livre Camus et le terrorisme.


          Il connaît suffisamment la mentalité des gens du FLN, comme celle des représentants de la classe politique française pour savoir qu’ils sont capables, les uns comme les autres, de s’accorder pour mettre fin au conflit. Comme il faudra bien un dindon de la farce, les Français d’Algérie (entendons par là, tous ceux Européens et Musulmans qui veulent rester tels, et, ils sont nombreux) seront tout désignés pour jouer ce rôle. Les Pieds Noirs ont assez fréquemment mauvaise presse. Les Musulmans fidèles sont assez souvent ignorés par les media de l’époque (même si de grands noms comme ceux d’Ali Chekkal[5] ou du bachagha Boualem sont connus).
          Camus sait qu’un accord avec le FLN se fera facilement sur le dos des Français d’Algérie. Dans l’esprit de bien des responsables, ils sont l’obstacle principal à un règlement politique avec le FLN. Pour mettre fin à la Guerre d’Algérie, il faudra d’une manière ou d’une autre les sacrifier. Ils sont un peuple en trop. L’auteur de La Peste ne l’accepte pas. Son âme de juste rejette le traitement indigne que l’on s’apprête à faire subir à une large partie de la population de son pays natal : à ceux qui veulent rester Français, qui sont à l’écoute de la France et que la perspective d’une Algérie dirigée par des Krim Belkacem ou des Ben Bella révulse.
          Camus résistera. Il mourra hélas trop tôt pour pouvoir mener ce combat jusqu’au bout. On ne peut qu’imaginer aujourd’hui ce qu’il aurait dit au général De Gaulle, l’aide qu’il aurait apportée aux harkis rescapés[6], la dénonciation qu’il eût faite des violences ethniques de 1962, longtemps dissimulées en France[7].



[5] Né en 1896, Me Chekkal était avocat originaire de Mascara, il fut élu Vice président de l’Assemblée algérienne en 1949. Il fut assassiné le 29 mai 1957 au stade de Colombes où il assistait à un match de football aux côtés de René Coty, président de la 4ème République.
[6] Le silence a recouvert le drame des harkis après la fin de la Guerre d’Algérie. Les premières révoltes, souvent menées par les fils des intéressés datent de 1975 mais reçurent peu de publicité. Il en alla autrement en 1990 après une grève de la faim de certains d’entre eux à l’Eglise de la Madeleine. La France ébahie découvrit le problème.
[7] Voir à ce sujet, lexcellent DVD de Claire Fenstein. Les Disparus. 13Productions. Marseille.

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